QUELLE INDEMNISATION POUR LE TITULAIRE D'UN MARCHE PUBLIC RESILIE IRREGULIEREMENT PAR L'ADMINISTRATION ?
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 18/05/2021, 442530
QUELLES SONT LES DIFFERENTES POSSIBILITES DE RESILIATION UNILATERALE D'UN CONTRAT POUR L'ADMINISTRATION ?
Afin de mieux cerner la portée de cette décision, il convient de brièvement présenter le cadre juridique de la résiliation unilatérale d'un contrat par l'administration pour faute.
La personne publique, en charge de l'intérêt du plus grand nombre, dispose de prérogatives particulières dans le cadre des marchés publics. Elle peut notamment résilier unilatéralement le contrat, sans intervention du juge, en invoquant simplement une faute de son cocontractant.
C'est cette dernière possibilité, la résiliation pour faute, qui est en jeu dans cette affaire. Cependant, cette faculté offerte à l'administration est encadrée par le Code de la commande publique. C'est tout d'abord l'article L. 2195-3 qui le permet mais le Conseil d'Etat a déjà eu l'occasion d'affirmer que cette prérogative existe même si le contrat ne le prévoit pas explicitement (CE, 30 sept. 1983, n° 26611).
La faute doit être liée à l'exécution du contrat, elle ne peut pas, en principe, résulter d'un comportement extérieur du cocontractant, sauf lorsqu'il se retrouve dans un des cas d'exclusion des procédures de passation. Elle doit aussi être d'une gravité suffisante, comme le prévoit l'article L. 2195-3 du CCP et une décision du Conseil d'Etat datant de 2014 (n° 365546).
L'administration, une fois avoir dument mit en demeure le cocontractant de faire cesser son comportement qu'elle considère fautif, peut simplement résilier sans indemnisation ou résilier aux frais et risques du cocontractant qui devra indemniser l'administration et supporter le coût de la passation d'un marché de substitution.
QUELS SONT LES FAITS DE L'AFFAIRE ?
En 2013, un marché public de renouvellement et de maintenance d'escaliers mécaniques est passé entre la Régie des Transport Marseillais et la Société Alapont France. En 2016, la RTM met en demeure la société de respecter ses obligations contractuelles puis décide 1 mois après de résilier unilatéralement le contrat aux torts exclusifs du titulaire du marché.
Celui ci saisit le Tribunal administratif de Marseille pour voir reprendre les relations contractuelles et être indemnisé. Après un rejet de sa requête, la société fait appel devant la Cour administrative d'appel de Marseille qui annule le jugement du TA et condamne la RTM à verser une indemnité, bien que réduite, à la société. La Cour reconnait une faute commise par la société mais considère qu'elle n'était pas assez grave pour justifier la résiliation du contrat. Elle déclare donc la résiliation irrégulière.
L'affaire ne s'arrête pas là, la RTM se pourvoit en cassation contre ce jugement car elle conteste le principe même de l'indemnisation.
QUELLE EST LA POSITION DU CONSEIL D'ETAT ?
Lorsque l'administration résilie irrégulièrement un contrat, notamment lorsque le juge considère que la faute invoquée n'est pas assez grave, il est depuis longtemps établit qu'elle doit indemniser le cocontractant du préjudice subit du fait de la résiliation anticipée du contrat. Cela comprend les frais engagés, les bénéfices escomptés et même les frais de présentation de l'offre ( C. commande publique, article L 6 et CE, 2 mai 1958, n° 32401 ).
Cependant, dès 2016 (CE, 10 févr. 2016, n° 387769) mais bien plus clairement dans la décision dont il est question ici (CE, 18 mai 2021, n° 442530) le Conseil d'Etat considère que les fautes du cocontractant sont susceptibles, alors même qu'elles ne seraient pas d'une gravité suffisante pour justifier la résiliation du contrat aux torts du titulaire, de limiter en partie son droit à l'indemnisation du préjudice qu'il subit du fait de cette résiliation irrégulière.
Le Conseil d'Etat juge que la CAA de Marseille a commis une erreur de droit en reconnaissant la faute de la société sans pour autant diminuer le montant de l'indemnité à hauteur de la part de responsabilité de celle-ci dans la réalisation du préjudice qu'elle a subit. Il renvoi donc l'affaire devant cette la CAA de Marseille pour qu'elle soit rejugée.
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décembre 2024
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