LE DROIT EUROPEEN DU TRAVAIL S'APPLIQUE-T-il AU PERSONNEL DES ARMEES ?
CJUE 15 juill. 2021, aff. C-742/19
QUE PRESCRIT LA DIRECTIVE DE 2003 QUANT AUX HORAIRES DE TRAVAIL ?
La directive européenne 2003/88/CE du 4 novembre 2003 concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail a crée des droits importants pour les travailleurs européens. Elle garantie une période minimale de repos de 11h consécutives après 24h de travail; un temps de pause si le temps de travail journalier est supérieur à 6h; un maximum de 48h par semaine ou des congés payés de 4 semaines par exemple. Cette directive vient aussi renforcer l'encadrement du travail de nuit que ce soit sur les questions de temps de travail ou de protection et de santé au travail.
De plus, la directive de 2003 fixe elle même plusieurs cas pour lesquels il est possible de déroger à son application stricte. Ces dérogations visent certains postes particuliers comme les cadres dirigeants; certains domaines particuliers comme le soin, l'agriculture ou la protection des biens et des personnes où il existe des exigences de continuité de service ou de production; et enfin certains cas pratique comme le travail posté ou coupé.
On voit donc bien qu'au même titre que les métiers et domaines disposant d'une dérogation, le personnel des armée est soumis à des exigences particulières et une application stricte de cette directive semble compromise.
LA DIRECTIVE S'APPLIQUE T'ELLE AU PERSONNEL DES ARMEE ET SOUS QUELLE RESERVE ?
En effet, le modèle de l'armée française est basé sur une ultra-disponibilité de son personnel ce qui en fait une des meilleures voir la meilleure d'Europe. C'est pour défendre ce modèle français mais aussi les responsabilités particulières de la France dans la sauvegarde de la paix à travers le monde que le Gouvernement Français est intervenu dans cette affaire qui opposait le ministère des armées slovène à un ancien sous-officier. La France est venue plaider pour la non-application de la directive au personnel des armées en invoquant le danger que cette directive porterait sur l'excellence française en matière de défense.
La réponse de la Cour est sans appel, elle peut sembler radicale. En effet, elle affirme que quand bien même le Traité sur l'Union européenne en son article 4 garantit aux Etats la compétence pour définir leurs intérêts essentiels de sécurité et d'arrêter les mesures propres à assurer ceux-ci, notamment des mesures d'organisation des forces armées, une mesure visant à la protection de la sécurité et de l'intégrité nationale n'est pas, par nature, hors du champ d'application du droit de l'Union et de la directive de 2003.
Cependant, si la Cour ne s'arrête pas devant la porte de la fonction publique militaire, elle va tenter de montrer qu'elle en connait les particularités et les exigences en précisant que la directive ne doit pas s'appliquer de manière stricte à toutes les activités de l'armée.
QUELLES SONT LES ACTIVITES EXCLUES DU CHAMP D'APPLICATION DE LA DIRECTIVE ?
Tout d'abord, la Cour rappelle que même si le droit européen est amené à s'appliquer, les règles européennes ne devraient pas avoir l'effet d'empêcher les forces armées d'accomplir convenablement leurs missions ni empêcher les Etats membres de préserver leur intégrité territoriale et leur sécurité nationale. A cette fin, la Cour vient détailler l'application de la directive aux personnels des armées.
Elle juge que certaines activités comme l'administration ou la santé doivent être soumises du mieux possible à la directive. En revanche, lorsque les membres des forces armées sont confrontés à des circonstances d’une gravité et d’une ampleur exceptionnelles, lorsqu'un niveau très important de qualification est nécessaire ou que l'opération est extrêmement sensible, lorsqu'ils participent à des déploiements à l'intérieur ou à l'extérieur des frontières et même lorsqu'ils s'entrainent " en condition", il serait trop difficile de mettre en place un système permettant de respecter la directive sans compromettre le bon déroulement de ces missions essentielles.
La Cour va même plus loin en acceptant à demi-mots ce qu'avait plaidé le gouvernement français, c'est a dire en reconnaissant que des spécificités nationales tenant notamment au niveau international d'engagement de l'armée en question ou aux menaces auxquelles elle est confrontée doivent être prises en compte pour juger de la bonne application de la directive dans un Etat membre.
La Cour de Justice de l'Union européenne a dans cet arrêt tenté de poser les bases d'une application maximale de la directive aux personnels de l'armée tout en prenant en compte les spécificités de ce métier et le nécessaire respect des intérêts nationaux en terme de sécurité nationale et internationale.
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décembre 2024
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